Petite histoire des chemins
Chemins d’autrefois, chemins de demain ?
La permanence du tracé des anciens chemins est bien connue ; les anciennes voies gauloises ont été réutilisées à l’époque romaine, puis au moyen âge. Ces chemins s’étaient formés par l’usage, en suivant des profils qui économisaient le temps et la peine des hommes et des chevaux. De nos jours, certaines routes suivent toujours ces tracés immémoriaux.
Beaucoup de transpo
rts se faisaient à dos des bêtes de somme, tant l’usage de charrettes était difficile en raison de l’incurie des chemins. Une grande partie des marchandises était transportée par les « bétchettes » de l’Ourthe plutôt que par la voie terrestre.
En hiver, les chemins de terre ou peu empierrés étaient facilement abîmés par les bandages métalliques des roues des charrettes. Les archives des communautés locales, notamment celles des 17ème et 18ème siècles contiennent les comptes-rendus des inspections échevinales de l’état des chemins dont l’entretien incombait aux habitants ; ces inspections périodiques portaient le nom de « cerqueménages ». Jusqu’au début du 19ème siècle, l’entretien des chemins était assuré par les corvées des chefs de famille et des riverains, avant d’être confié à des cantonniers équipés d’outils sommaires. Les nombreux sentiers sillonnant les bois et les prés n’étaient entretenus que par le passage.
À la fin du 18ème siècle, la cartographie n’indiquait – et encore avec imprécision – que les routes principales et négligeait les communications locales.
Au début de l’indépendance de la Belgique, le réseau de voies de communication était encore anarchique, et le développement de l’économie exigeait la création de chemins vicinaux, de routes et de ponts. Avant 1843, il n’y avait aucun pont sur l’Ourthe entre Amercoeur (Liège) et Comblain. Pour les piétons et les animaux, le passage d’eau en bac était possible à Tilff, Hony et Esneux, sinon il fallait emprunter les gués de Tilff, Hony, Fêchereux, Esneux et la Gombe. L’accès à la route la plus importante de la région, Liège-Embourg-Beaufays-Sprimont, était difficile pour le charroi venant de la vallée de l’Ourthe.
En 1841, le gouvernement fit dresser par chaque commune un atlas détaillé de ses chemins (loi du 10 avril), qui sert toujours de référence administrative.
En 1843, bien qu’on ait construit un pont à péage à Esneux, il était encore impossible de se rendre en voiture attelée d’Esneux à Tilff par la vallée et il fallait faire un long détour par Beaufays.
Ce n’est qu’entre 1848 et 1852 qu’on a réalisé la route d’Esneux à Tilff, complétée par le premier pont de Tilff, mis en service en 1853 pour assurer la liaison vers Angleur. En 1862, on entreprit les travaux de route d’Esneux à Hamoir.
Certaines routes et ponts étaient à péage pour les étrangers à la commune. Tarif du péage du pont communal d’Esneux en 1873 : par cheval y compris le conducteur : cinq centimes ; par paire de roues de voiture : cinq centimes ; par bête à cornes : trois centimes ; par personne ou par âne : deux centimes ; pour le petit bétail porc, mouton, chèvre : un centime par tête.
L’essor économique régional a aussi été favorisé par la construction du canal de Liège à Comblain entre 1846 et 1859, et la mise en service du chemin de fer en 1866.
Mais toutes ces initiatives avaient entraîné la désaffectation progressive d’un réseau dense de chemins secondaires, sentiers, raccourcis, servitudes etc. utilisés au cours des siècles précédents, et qui permettaient de se déplacer rapidement vers les villages voisins, les hameaux et les champs.
Dans les années 1960-70, on se désintéressa beaucoup de la petite vicinalité, alors que certains prophétisaient qu’à part quelques originaux, plus jamais on ne se déplacerait à pied ou à vélo.
Ce sont donc les atlas des chemins communaux établis en 1841 qui permettent de retrouver leur parcours et leurs caractéristiques (importance, largeur, longueur etc.).
Le chemin vicinal de Villers-aux-Tours à Esneux, passant par le Rond-Chêne et la Salte était classé n°1 en 1841, mais il a perdu son importance d’autrefois. En revanche, le tracé de la route N633 suit à peu de chose près celui de l’ancien chemin n°1 de Tilff, tant en aval qu’en amont du pont.
Certains chemins ont laissé des traces dans la toponymie wallonne en fonction de leurs caractéristiques: « chèras » (voies empierrées), « xhavées » (chemins creux), « tidje » (chemins de terre), « vôyes » (voies, p.ex. de Liège, des messes etc.).
Atlas des chemins de Tilff établi en 1841. Les petits chiffres indiquent des modifications, particulièrement nombreuses dans les sections 4. et 6., proches de Cortil et d’une une zone remaniée par l’autoroute E25.
L’emprise de beaucoup de ces voies de communication a disparu, rendue à la nature par manque d’usage, déviée ou supprimée par la réalisation de travaux (c’est notamment le cas « sur Cortil ») ou même accaparée par certains propriétaires riverains.
Ces chemins, qui font partie de notre patrimoine, ont souvent souffert d’un manque d’intérêt. Ils méritent d’être réintégrés dans le réseau de communications. Retrouvons les pas de nos ancêtres …
A. Baltia
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