Au XIIIe siècle, le Chapitre de la Cathédrale Saint-Lambert de Liège était Seigneur de Tilff et avait pouvoir de percevoir la dîme sur les récoltes, principalement céréalières de la localité et, à cette époque, le village se limitait à un espace réduit compris entre les deux maisons fortes distantes de quelques centaines de mètres, la Tour Brunsode et la Maison des Près, en rive droite de l’Ourthe..
Le territoire non bâti permettait la culture intense de céréales et celle de produits potagers qui poussaient d’abondance sur les Courtils (aujourd’hui, Cortil).
Une grande partie de ces denrées était acheminée vers Liège par les bateliers de Tilff qui disposaient à Liège d’un port spécial pour le déchargement.
En 1586, suite à une pénurie de céréales, le » Chapitre de la Cathédrale Saint-Lambert accepte, après moultes palabres, que la dîme soit acquittée au moyen de poireaux dont le nombre fut fixé par le Chapitre.
Mais les poireaux cultivés par les maraîchers tilffois sont de grande taille grâce à l’utilisation d’un engrais naturel spécial mis au point par Joseph le Repiqueur (Djôzef li R’pikeû) et dont la composition est jalousement gardée secrète. Vu leur taille ces poireaux locaux, dénommés « Gigantesques de Tilves », dépassent largement celle des « Monstrueux de Liège ».
Quelques jours avant l’embarquement de ces poireaux sur les «bètchètes » tilffoises, ceux-ci sont entreposés au Moulin Banal sous la responsabilité de Collar le Moulnier, exploitant du moulin, échevin et aussi responsable de la dîme. Mais, vu leur poids et leur volume imposants, les Tilffois demandent à Collar le Moulnier d’intervenir, au titre de responsable de la dîme auprès du Chapitre pour réduire le nombre de poireaux à livrer. Devant le refus du Chapitre, les maraîchers, sur les conseils de Joseph le Repiqueur, décident de se faire justice. La nuit précédant le jour de la livraison, la moitié des poireaux disparaissent mystérieusement. Une enquête effectuée par un chanoine ne permet pas de découvrir les coupables et les poursuites sont abandonnées, au vu de l’énorme tas de poireaux encore entreposés. Le chanoine ironise en regardant le meunier Collar : « Mais Monsieur l’Echevin, ils avaient donc des jambes vos poireaux pour s’évader sans l’aide de quiconque ? ».
Ce sont ces poireaux, réincarnés par le groupe « Les Porais Tilffois » que l’on découvre à Tilff, chaque année au carnaval du Laetare et qui gambadent « Verts de feuille et blancs de tige » autour de leur géant Djôzef li R’pikeu.
(*) TILVES : première désignation écrite connue de Tilff (1235).
Georges VEILLESSE, Quand on s’ennuie, Les Gigantesque de Tilves, Ed. Petitpas, Bomal, 1962. Résumé
Willy DUHAMEAU.
LES PORAIS TILFFOIS
En mars 1952, le carnaval de Tilff est remis à l’honneur par la société locale « Les Gais Lurons ». En septembre de cette année, des membres de cette association créent le groupe carnavalesque « Les Porais Tilffois » qui, depuis 1953, anime le carnaval de Tilff mais aussi d’autres manifestations en Belgique et à l’étranger, principalement en France. Les « Porais », (initialement « porês » en dialecte liégeois), instituent en 1962 la Confrérie de l’Ordre du Porai qui a pour but d’assurer la présence du poireau dans la gastronomie. La Confrérie promeut des produits à base de cette « asperge du pauvre » comme le potage, la quiche, le boudin ou la « blanke tripe ». Pour être admis au « Repiquage », l’impétrant se doit de réussir deux épreuves : avaler un bol de soupe aux poireaux et ensuite faire subir le même sort à un verre de pèkèt aromatisé de blanc de poireau dont la composition est gardée secrète. Il doit en outre prendre l’engagement d’apporter son aide aux « Porais » et à Tilff.