Ceci est l’histoire de ma grand-mère, Camille Bodson, qui avait entre 16 et 20 ans lors de la seconde guerre mondiale. Celle-ci m’a raconté quelques-unes de ses aventures que j’ai tenu à vous faire partager dans le but de ne pas oublier ce qu’il s’est passé et d’en tenir compte car le monde d’hier n’est pas si différent de celui d’aujourd’hui.
Née en 1924 dans le petit village de Chevron, elle s’installe à Werbomont à l’âge de 2 ans et y vivra toute sa vie. Quatrième d’une famille de sept enfants, c’est avec simplicité qu’elle me raconte, depuis sa cuisine, les faits marquants de la Belgique sous l’occupation allemande.
En route vers la France.
Nous avons dû aller à pied jusque Namur pour évacuer, avec une charrette et 2 vélos ; on était tous ensemble. Quand nous étions bientôt arrivés, les Allemands nous ont rattrapé et nous ont dit de retourner : on bombardait. Les chevaux s’emballaient, il y avait déjà beaucoup de tués. Les Allemands nous disaient d’aller vers la France mais nous ne sommes pas allés jusque là ! Papa et Roger (mon frère) sont revenus à vélo et nous à pieds. Nous avons dormi une nuit à Waret- l’Evêque et il y avait des soldats belges qui étaient avec nous dans la cave mais les Allemands les ont reconnus et ont lâchés une bombe. Tout le coin de la façade s’est écroulé. Nous avons eu de la chance de ne pas être blessés ou même morts ; on s’est retrouvé dans la rue et les Allemands étaient là. Ils nous ont dit de partir et nous avons continués notre chemin jusque Ouffet où nous avons passé la nuit. Pendant ce temps là, papa et Roger étaient revenus à la maison à Werbomont pour trouver à manger, et réinvestir l’habitacle. On dormait où on se trouvait et on riait comme des fous avec Blanche (ma sœur); on savait que c’était la guerre mais quand on est jeune on ne s’en rend pas compte ! Elle avait un long sac avec une anse comme les accoucheuses. On l’avait rempli et on le tenait, elle d’un côté et moi de l’autre. Et nous avons commencé à rire à propos de ce dernier ! Qu’est-ce qu’on avait bon. Blanche ne savait plus se retenir et a dû s’éloigner pour arrêter de rire. On ne voyait pas le danger de la guerre. C’est à Tinlot qu’on a perdu notre chien, Folette. Arrivés à Hamoir, il fallait passer le pont, qu’on avait fait sauter pour ne pas que les Allemands passent (A l’aller, les ponts étaient toujours là mais prêts à disparaître d’une minute à l’autre ; les gens passaient sur le pont quand les soldats l’ont détruit !). Au retour, nous avons donc dû passer l’eau sur une petite barquette. Mon oncle et ma tante étaient avec nous. Elle détestait l’eau. « Est-on passé ? » demanda-t-elle en se cachant le visage. Et nous n’avions pas encore démarré ! Nous voilà, encore une fois, pris de rigolade. Arrivés au village, les Allemands occupaient la maison. Elle était remplie ! Nous avons un fournil à côté de la maison, que Papa et Roger ont occupé étant donné que la maison n’était pas libre. Quand tout le monde fût rentré, nous avons tous dormi là, à même le sol. Un général Allemand nous a dit qu’ils allaient bientôt partir et qu’à ce moment nous devrons nous dépêcher pour réinvestir la maison, montrer qu’elle est habitée pour ne plus que des soldats viennent.
Souviens-toi l’été 1944.
C’était une journée chaude pendant l’été 1944, nous étions en pleine fenaison. Nous sommes revenus dîner à la maison, puis, sommes repartis aux champs. Le pré était à deux cents mètres de la maison. Alors que nous passions dans la rue, les Allemands étaient chez Léonie Maréchal. C’est à ce moment-là qu’on s’est caché dans le fossé pour ne pas qu’ils nous voient ! Et discrètement nous sommes partis vers Grand-Trixhe. Mais maman et ma sœur Georgette étaient toujours en train de faire la vaisselle à la maison. Elles ont dû se cacher aussi dans un fossé un peu plus tard pour ne pas se faire attraper. Les soldats arrivaient ! Arrivés à Grand-Thrixhe, Désiré Maréchal nous a crié que la maison brûlait. Nous sommes vite revenus, papa essayait de sauver des choses mais c’était peine perdue : des soldats anglais, présents, l’en dissuadaient. La maison tout entière était en train de succomber aux flammes… Les Allemands se sont vengés de l’armée belge en détruisant notre habitation puisqu’elle avait tué des soldats allemands. La poste a été brûlée aussi ; le but était de saccager Werbomont. Notre fournil, situé à côté de la maison fût aussi mitraillé. Chez nos voisins, ils ont voulu brûlé le foin pour incendier la maison.
Nous sommes allés dans une ferme abandonnée où il y avait à manger et du foin pour les bêtes. Les gens de la ferme (famille Voz) ont été mitraillés sur la place par l’armée blanche car ils collaboraient pour les Allemands ! Nous sommes retournés dans notre maison deux ans plus tard, lorsque tous les travaux furent terminés.
A bicyclette…
Des collaborateurs logeaient des gendarmes (Chez Voz, il y en avait 3). De nos gares, partaient des matériaux pour reconstruire les ponts, … Les gendarmes montaient la garde jour et nuit. L’armée blanche venait mettre le feu aux wagons qui s’en allaient pour empêcher les réparations et donc que les Allemands aient plus dur pour revenir. Un peu plus tard, les gendarmes furent tués.
Un jour, à vélo, je voulais aller au magasin (Chez Mulhen) à Werbomont. Arrivée un peu avant le carrefour, un des gendarmes me dit de m’arrêter. A toute vitesse, je fis demi-tour ! Je ne compris pas ce qu’il faisait là puisqu’il devait surveiller les wagons, il ne pouvait pas ! Je suis revenue à la maison et me suis cachée, morte de peur. Le gendarme parcourait la rue en demandant aux passants s’ils ne m’avaient pas aperçu. Personne ne lui répondait mais il croisa un garçon de la famille Voz qui lui dit où j’étais allée me cacher. Le gendarme arriva à la maison et dit : « Vous bravez la gendarmerie belge ! ». Ce dernier voulait que je signe un papier disant que je n’avais pas obéit aux injonctions et que je devais être punie. Je lui ai répondu que c’était hors de question ! Il me rétorqua que si les Allemands avaient été présents, ils auraient tirés. Il s’énerva mais je restais sur ma position. Quelques jours après, j’appris que les soldats l’avaient tué. Je fus soulagée d’un énorme poids…
On ne bouge plus … !
Lorsque les allemands furent battus et qu’ils revinrent fin 1944 (Bataille des Ardennes), ce fût terrible. A Grand-Trixhe, ils ont tués 7 personnes. A Werbomont, les Allemands se postaient devant les maisons avec une mitraillette à 3 pieds au milieu des cours. Au moindre geste, les tirs étaient lancés. Quand ils furent chez nous, nous n’osions pas bouger et étions cachés dans un coin de la cuisine. Bruno, mon filleul, était un bébé à ce moment et il lui était interdit de pleurer, de faire du bruit. Quand ils passèrent devant chez Joseph Wuidar, il était en train de faire sa barbe à la fenêtre ; les Allemands ont commencé à tirer et heureusement pour lui, la balle s’est logée dans le châssis de la fenêtre.