Blasons mystérieux au domaine Brunsode à Tilff.
Sur le pignon de l’ancienne orangerie du château, se trouve encastrée une grande pierre sculptée, dite « de mariage », présentant les blasons des époux. Mais un des blasons, celui de gauche, traditionnellement le blason masculin, semble avoir été effacé…
L’histoire de cette pierre est également anecdotique, puisque découverte, vers 1980, lors de travaux de destruction d’un petit chenil ruiné attenant à l’orangerie, et dont la pierre, retournée, servait de seuil d’entrée. Le conducteur des travaux communaux, fort judicieusement, fait relever et fixer la dalle au mur de grès nouvellement rénové. Il se disait que certainement, on finirait par connaître la vérité !
Les années ont passé, sans qu’une solution concrète vienne élucider le mystère : Mariage manqué ? Altérations révolutionnaires ? Déprédations volontaires ? Attribution aléatoire à d’anciens propriétaires du château ?
Intrigué, à mon tour, j’examine la pierre (même aux ultra-violets pour trouver traces de gravure antérieure !) pour finalement me rendre à l’évidence : le blason de gauche n’a jamais été sculpté ! De fait, l’épaisseur de la pierre laisse supposer qu’on devait encore enlever de la matière pour créer les meubles du blason. Le blason de droite, celui de l’épouse, en forme de croix sur le losange des « damoiselles » en usage au Pays de Liège, est vraisemblablement terminé. Reste à trouver la famille de cette épouse. En épluchant la liste des alliances des propriétaires successifs de Brunsode, je découvre une similitude avec celui de la famille Lynden, devenue, par la suite, d’Aspremont Lynden, en l’occurrence, Mechtilde comtesse de Lynden. Suivant mon raisonnement, l’époux devait se nommer Jehan de Seraing, de la branche des Seraing de Hollogne sur Geer. C’est d’ailleurs dans ce village que je trouve sur un château, un moulin, des épitaphes, la représentation du blason manquant à Tilff, ainsi que la devise familiale, non gravée dans le cartouche de Tilff : « Virtute et patientia vince ». (*)
Que se serait-il passé ? Le mariage a bien été célébré en 1644 et l’étude généalogique nous apprend qu’il a été couronné de trois fils. Le propriétaire précédent, le père du jeune marié, n’a pas habité le château. Il a été assassiné en 1624 et sa veuve et leurs six enfants semblent être restés à Hollogne. Le château Brunsode de l’époque est en fait une ancienne maison-forte, entourée d’eau et certainement pas des plus confortables. C’est vraisemblablement la raison principale de la vente de la demeure en 1652 à Herman de Beringhen, dont nous savons qu’il fit raser l’ancienne maison-forte pour reconstruire sur ses fondations une élégante résidence à la mode du XVIIe siècle liégeois… et il n’avait que faire d’armoiries inachevées et même pas de sa famille !
Et c’est sans doute la réponse à une longue interrogation sur la pierre mystérieuse de l’orangerie de Tilff…
(*) traduction libre : « C’est par le courage et la persévérance que tu vaincras ».
Seraing de Hologne: « De sable au sautoir d’argent cantonné de quatre merlettes du même ».
Lynden: « De gueules à la croix d’or ».
M. Woillard, administrateur au Royal Syndicat d’Initiative de Tilff.
___________________________________________________________________
Bibliographie et sources :
Pierre Hanquet, Anciennes demeures à Tilff, Liège, 1956.
J.-G. Loyens et Louis Abry, Recueil héraldique des Bourguemestres de la Noble Cité de Liège, 1720.
Jean-Baptiste Rietstap, Armorial général, Londres, 1884.
Sr de Salbray, Miroir des Nobles de Hesbaye, Bruxelles, 1673
Claude Levêque, relation orale, Tilff, octobre 2010.