D’après « Les Délices du Duché de Limbourg » – Guy Poswick 1951
Ancienne dénomination : « Maison du Fourneau de Chanxhe ».
A quelques mètres au sud de la charmante église de Chanxhe, s’allonge le château, parallèlement à la route qui le sépare de la rive droite de l’Ourthe. C’est une jolie et simple gentilhommière peinte en blanc, d’un seul étage, prolongée par deux ailes très basses ; la toiture, à la Mansard et à croupes, est percée de lucarnes dans le brisis ; elle est couverte d’ardoises et surmontée de deux épis, aux extrémités de l’arête faîtière ; chacun des pignons latéraux supporte une haute cheminée. La façade principale se trouve à l’Est, du côté du parc ; elle s’orne d’un tympan triangulaire, troué d’un oeil-de-boeuf entouré de rocailles ; c’est là qu’était logée l’horloge, actuellement à l’église ; de chaque côté se voient les armoiries des Hauzeur et des Lezaack ; ces dernières sont devenues indéchiffrables.
La porte d’entrée, de style Louis XIV, est précédée d’un petit perron à double révolution, assez banal. Le style Louis XV des baies et la disposition générale de l’immeuble font penser à Mützhagen.
A l’intérieur, s’admirent une élégante rampe d’escalier, aux fuseaux d’esprit Renaissance, et cinq belles portes en chêne sculpté, de style Louis XIV. Notons aussi dans une pièce du rez-de-chaussée, une cheminée en petits carreaux de Delft bleus et blancs.
Ces quelques détails indiquent l’opulence et le raffinement des premiers propriétaires.
De chaque côté du château et perpendiculairement à lui, s’étend vers I Est un bâtiment de soixante mètres de long, enserrant un jardin d’agrément, jadis coquet et soigné ; un cèdre du Liban s’y dresse encore. Ces deux longs bâtiments, couverts d’ardoises herbins, sont actuellement en mines. Une drève de sapins, abattus en 1915, conduisait à un étang, dit « le Lac Bleu », à cause de la couleur extraordinaire et inexplicable de ses eaux.
Voici dans quelles circonstances fut construit le château de Chanxhe. Gérard de Hauzeur, qui avait été bourgmestre de Verviers en 1678, exerçait la profession — si lucrative à l’époque — de maitre de forges à Amblève, près Aywaille. De son alliance, en 1661, avec Ailid Louys, il retint entre autres deux fils, Théodore de Hauzeur dit « de Lorraine » et Philippe-Joseph de Hauzeur dit « de Fondry ».
Le premier fut maître des aluneries d’Amblève tandis que le second devint maître de forges à Raborive-lez-Aywaille. Ce dernier épousa, en 1709, Marie-Anne-Fr. de Lezaack, fille de Thomas et de Marie-Marguerite de Goér de Herve, et mourut avant 1754.
Sa veuve transporta, la même année, l’industrie métallurgique familiale à Chanxhe et y fit édifier le château actuel. En 1758, elle obtint de l’impératrice Marie-Thérèse l’autorisation d’ériger un fourneau à cet endroit ; celui-ci s’indiquait comme spécialement favorable à cause de l’intense navigation sur l’Ourthe et sur l’Amblève ; le courant rapide et le débit abondant de ces rivières rendaient aisé le transport, par barques, des minerais et du charbon de bois venant de l’Ardenne.
Le fourneau fut construit dans le parc, à l’Est et parallèlement au château, mais il n’en reste plus aucune trace. Les deux longs bâtiments actuellement en ruines, ci-avant cités, servaient de magasins où l’on remisait les matières premières indispensables à l’exploitation.
Après le décès de Marie-Anne de Lezaack, veuve de Philippe-Joseph de Hauzeur, survenu à Chanxhe le 21 février 1762 l’industrie et le château passèrent à ses deux fils, Thomas-Joseph de Hauzeur, chanoine de St-Martin à Liège, et Gérard de Hauzeur, qui était atteint d’aliénation mentale. On raconte que celui-ci allait souvent se promener jusqu’au sommet d’un rocher, dit « roche Amabonde » mais que, craignant de ne plus retrouver son chemin, il y semait, à l’aller, des pièces d’or qu’il récoltait au retour. Ce fut donc certainement le chanoine qui dirigea l’exploitation industrielle.
Suivant la tradition locale, le château fut pillé par les Autrichiens en retraite, en 1794, puis par les troupes françaises en 1795. Le chanoine dut se réfugier pendant trois semaines dans un placard du salon, masqué par une tapisserie de Gobelins ; il ne se risquait à en sortir que la nuit, par temps d’accalmie, et allait prendre l’air dans les bois environnants.
C’est à cette époque troublée qu’il crut prudent de cacher une partie de sa fortune, on retrouva plus tard, dans les combles du château, un calice orné de pierreries, rempli de monnaie d’or, un gros « sabot » de fondeur plein d’or, enterré dans le jardin, et un pot de grès, également bourré d’or, enfoui sous un tas de fumier.
Le chanoine Thomas-Joseph de Hauzeur mourut au château de Chanxhe en 1818, laissant ses biens, par testament, à ses cousins de Lezaack-Chefneux ; son frère Gérard laissa les siens à sa cousine Sophie-Joséphine-Dorothée de Lezaack, épouse de Frédéric-Emmanuel de Steyger. Les enfants de ceux-ci cédèrent leurs droits, en 1828, aux LezaackChefneux, qui devinrent ainsi seuls propriétaires de Chanxhe et continuèrent l’exploitation jusqu’au milieu du 19e siècle.
En 1864, les consorts de Lezaack vendirent la « propriété des Hauts Fourneaux » à François Dehan, maître de carrières et bourgmestre de Comblain-au-Pont.
Celui-ci cessa l’exploitation de la fonderie dont le bâtiment fut démoli, mais ouvrit la carrière de granit du Zey, tout près du manoir. Dans une des deux longues remises fut installée une scierie à vapeur, transformée par après en scierie hydraulique, actionnée par les eaux du lac Bleu.
A la mort de François Dehan, le domaine échut à son fils, Eugène Dehan décédé en 1911 ; il avait vendu la carrière en 1898. Le fils unique du précédent, Eugène Dehan, lui succède. Lors de l’invasion allemande d’août 1914, la famille Dehan dut s’enfuir de Chanxhe.
En 1927, le propriétaire, Eugène Dehan, vendit le château à la puissante société métallurgique de l’A. D. I. R. (Acieries de Differdange-Rumelange), qui y installa une école libre. Elle fut dirigée pendant de nombreuses années par Mr Iserentant, dont le zèle et le dévouement ont beaucoup contribué à son développement et à sa prospérité.
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